Le déambulateur #1 : Cossacks toujours, tu m’intéresses

Mousquets et boules de gomme (Article à lire en écoutant cette musique)

La technique est-elle un élément consécutif d’un bon jeu ? À cette question épineuse peu de réponses valables… parce qu’il faudrait déjà s’entendre sur ce qui constitue un « bon jeu ».

Faut-il qu’il soit amusant, intéressant, beau, divertissant, difficile, pédagogique… ? Probablement un peu de tout ça, tout comme l’art doit être beau, en théorie. Mais que dire de jeu rébarbatif au possible, sans aucun « but » et qui s’écoulent chaque année comme des petits-pains (oui, Farming Simulator je parle de toi) ? Que dire de jeu où les interactions sont minimales, tel certains point-and-click plus proche du dessin animé interactif que du jeu ? Quid du beau avec un superman 64 ou un Turok, pourtant sorti en 2008. Certains, aux graphismes volontairement affreux, sans histoire, sans but sont même devenus des références absolues, tel Minecraft….

cc : congerdesign

Mais alors : qu’est-ce qu’un jeu ? À cette réponse, nous ne répondrons pas, aurait dit un petit être vert. À défaut, nous allons aujourd’hui nous pencher sur l’un des aspects qui constitue un jeu : sa technique. Ladite technique joue un rôle particulier ; elle peut être un défaut rédhibitoire à un titre ou son principal atout (marketing comme de gameplay d’ailleurs). C’est le cas du papi qui va nous occuper aujourd’hui.

En 2001, le marché du STR est ultra dominé par deux mastodontes : Microsoft et Blizzard. Respectivement à la tête de deux licences montées depuis au firmament de la cash machine : Age of Empire et Starcraft. À l’époque bénie où les prêtres d’Age of Empire, par petit paquet de 2 ou 3 chantaient leur mythiques « wololo » tels des druides de la tribu de Dana (oui on est complètement dans la nostalgie donc on assume), il était bien rare de voir plus de quelques dizaines d’unités à l’écran.

La limitation de population des premiers STR, gardés souvent depuis un peu par tradition et un peu pour les raisons que nous évoquerons, n’a pas été introduite par hasard. Elle n’est pas le fruit d’un délire conspirationniste de reptiliens illuminatifs mangeurs d’enfants souhaitant contrôler le monde en insufflant le principe du contrôle des naissances au cœur de nos âmes ; elle répondait en fait à un double impératif. Le premier était d’ordre de gameplay. Ces limitations forcent les joueurs à panacher ses unités et à faire des choix. La seconde est technique, donc, économiser nos machines. Car le tas de pixels qui courent en pagne, une hache à la main, c’est bien mignon, mais ça en consomme, de la puissance de calcul.

Et c’est ainsi que, pendant longtemps, rien ne va beaucoup bouger ; ce sera, soit moche et un peu varié, soit plus mignon mais limité. Jusqu’à ce qu’un studio ukrainiens sorti de nulle part, GSC Game World, annonce la sortie d’un jeu qui promettait d’aligner jusqu’à 8000 unités à l’écran sans mettre à genoux un ordinateur normalement constitué. L’effet de choc initial se doublera d’un jeu mythique dans le monde de la stratégie en temps réelle, inauguré par Dune II, démocratisé par Age of Empire et dont on peut alors dire qu’il est tout neuf puisqu’il n’a qu’une petite dizaine d’année : Cossacks European War.

Et c’est peu dire que Cossacks va faire du bruit. Il ouvre en réalité la porte à de très nombreuses fantaisies et délire vidéoludiques et oblige les devs du monde entier à extraire de force leurs extrémités préhensiles du fondement dans lesquelles elles étaient coincées.

The good old days

Mais penchons-nous avec délectation sur notre grand papi et rappelons ensemble le temps béni où grand-père chevauchait, non pas grand-mère, mais un bel étalon, chargeant fièrement les lignes ennemies avant de se faire ensevelir sous une pluie de balle de mousquet. Cossacks est un STR classique : vous commencez la partie avec plus ou moins de bâtiments, de troupes, de civils (des êtres venus d’ailleurs avec des animations dignes de vous en lendemain de 10h de sport) et vous avez pour première tâche de récolter des ressources. Ces dernières vous permettront de construire des bâtiments, dont l’académie. Grâce à elle, vous débloquerez d’autres unités et bâtiments et ferez progresser votre petite civilisation.

En parlant de civilisations, Cossacks reprend le principe de skin différent pour chaque bâtiment et l’accole à de très nombreuses nations européennes, qui ont d’ailleurs chacune à la marge, leurs personnalités et leurs unités uniques. Mais la particularité d’un Cossacks, c’est que le cœur de votre empire, c’est l’armée. Pour la première fois dans un jeu à cette échelle, vous devez gérer un nombre colossal d’unité et gérer au mieux les capacités de votre économie à absorber de telles dépenses en faisant travailler, non pas quelques villageois, mais des hordes de civils dans les champs ou les mines. Les ukrainiens introduisent la notion de flux dans les jeux de stratégie.

Mais Cossacks avait également introduit des batailles navales d’une plus grande complexité que par le passé et qui faisaient la part belle aux magnifiques navires de ligne du 17e siècle. C’était beau, même si les graphismes auraient pu être plus léchés…

En parlant des bateaux… prenez une petite seconde pour inspirer et vous rappeler de la vitesse des barges de débarquement… si si, les gros tas de bois avec des rames. En fait, les développeurs ont reconnu depuis que les rameurs étaient systématiquement des hommes tronc en phase terminal…

Mon papi, lui, bourre des canons

Souvenez-vous de vos premières parties où l’IA, pourtant assez moyenne, vous faisait parvenir de belles armées bien rangées, vous fonçant dessus avec une horde de piquiers alors que vous vous débattiez péniblement avec vos quelques carrés tout droit sorti de le l’académie militaire… Souvenez-vous du pathfinding de vos ouailles, irrémédiablement bloqués derrière les murailles, tirants dans le vide ou faisant le tour de la carte à pied alors que vous aviez demandé une simple marche de quelques centaines de mètres dans la campagne… car oui, c’était aussi cela, Cossacks. D’ailleurs, cette IA défaillante et ses quelques défauts techniques n’ont pas empêché le jeu de bien fonctionner commercialement et de devenir le mythe que l’on connait aujourd’hui.

De cet ensemble donc, est sorti un grand jeu. Pas parce qu’il était parfait, mais parce qu’il était précurseur. Et comme avec beaucoup de ceux qui furent les premiers, c’est des jeux comme Cossacks qui permirent plus tard l’apparition des STR à plus grande échelle. D’abord ; dans des jeux comme Supreme Commander par exemple (à la différence près que, lui, faisait chialer les bécanes sans ménagement), fils spirituel de Total Annihilation et de notre papi, arrivé plus tard (2007) mais marketé un peu de la même manière. Ensuite, avec des jeux de stratégie cherchant à repousser les limites du genre en introduisant d’autres gameplay que ceux connus jusqu’alors, de Total War à Rise Of Nations, tous deux sortis un peu après et essayant de nouvelles choses vis-à-vis des jeux de stratégie.

Pour tous les nostalgiques, conscients que nos ordinateurs ne supportent plus ce jeu, notez qu’il est disponible sur GoG pour quelques euros et qu’il fonctionne, bien qu’il faille faire, en fonction de votre ordinateur, quelques recherches pour des bugs parfois assez gênants. Mais une fois que vous aurez stabilisé la bête, il ne vous restera plus qu’à demander un congé exceptionnel, à attendre le départ de votre femme chez vos beaux-parents et… à vous préparer pour de sanglantes batailles !

Eh bah, qu’est-ce que vous faites-là ?