La justice et l’intelligence artificielle : un équilibre à trouver

La justice est souvent symbolisée par Thémis, la déesse grecque qui porte un bandeau sur les yeux pour incarner l’impartialité, une balance pour l’équité des décisions et un glaive pour signifier des sanctions justes. Aujourd’hui, l’arrivée de l’Intelligence Artificielle dans le domaine judiciaire suscite de nombreuses interrogations. Peut-on allier justice et IA tout en garantissant l’équité des décisions ? Cette technologie pourrait-elle accélérer les procédures sans compromettre les principes fondamentaux de la justice ?

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Besoin urgent d’innovation dans la justice

En France, le système judiciaire souffre de lenteurs chroniques. Des délais excessifs, pour les affaires civiles et pénales, s’étirent souvent sur des mois (voire des années) entraînant une surcharge des tribunaux et une baisse de la confiance des citoyens dans la justice. L’intelligence artificielle est perçue comme une solution potentielle à cette problématique. En analysant rapidement de grandes quantités de données, les algorithmes pourraient accélérer la recherche de jurisprudence, automatiser certaines tâches administratives et même prédire l’issue de certains litiges.

Des outils non basés sur l’IA, tels que « Judilibre« , existent déjà. Cette base de données publique permet de consulter les décisions de la Cour de cassation, facilitant la recherche d’informations juridiques et offrant un gain de temps précieux. Mais peut-on aller au-delà ?

Vers une transformation du système judiciaire ?

L’un des principaux atouts de l’IA est sa capacité à traiter de grandes quantités d’informations en un temps record. Pour les avocats et magistrats, cela signifie un accès plus rapide aux précédentes décisions de justice, aux lois pertinentes et aux documents nécessaires pour statuer sur un dossier. En France, le « Code du travail numérique« , une plateforme en ligne gratuite, permet d’accéder aux données juridiques liées au droit du travail. « Predictice« , un autre outil, aide les professionnels du droit en analysant les données et en prédisant l’issue probable des affaires, tout en laissant l’expertise humaine primer.

Cependant, l’IA ne remplace pas les compétences d’un professionnel. C’est un outil d’assistance qui permet de mieux comprendre et d’analyser les décisions de justice. Néanmoins, des dérives sont possibles. Aux États-Unis, des algorithmes biaisés ont déjà discriminé certaines communautés. Cela montre qu’une étroite collaboration entre développeurs, juristes et autres professionnels est essentielle pour garantir que ces outils soient inclusifs et sans préjugés.

Remède contre la lenteur des procédures ?

Dans la pratique, l’IA pourrait effectivement réduire les délais judiciaires. Des systèmes d’IA peuvent par exemple analyser des contrats complexes en quelques minutes, une tâche qui prendrait des heures pour un humain. Cela libérerait du temps aux avocats, qui pourraient se concentrer sur des tâches plus stratégiques ou de plus grandes valeurs. Les juges, quant à eux, pourraient bénéficier de l’assistance d’IA pour formuler des recommandations sur certaines décisions.

L’initiative français « Datajust » visait à utiliser l’IA pour calculer les indemnités dans les affaires de dommages corporels. Bien que prometteuse, cette technologie a été suspendue, soulevant des craintes quant à la création d’une justice prédictive, où l’algorithme risquerait d’influencer les décisions humaines.

Risques et limites de l’IA dans le domaine judiciaire

Si l’IA promet d’accélérer les processus judiciaires, elle présente aussi des risques. Les biais des algorithmes sont l’une des principales préoccupations. En 2019, par exemple, l’algorithme derrière Apple Card a attribué des crédits plus élevés aux hommes qu’aux femmes. Un tel dysfonctionnement dans la justice pourrait avoir des conséquences graves, avec des décisions biaisées par des critères discriminatoires.

Des exemples récents illustrent les dangers d’une utilisation mal encadrée. En 2023, un avocat new-yorkais a utilisé ChatGPT pour préparer une plaidoirie, mais l’IA avait inventé des précédents fictifs. Ce type de dérive montre l’importance de développer des algorithmes transparents, équitables et fiable, tout en s’assurant qu’ils soient compréhensibles par les professionnels du droit et les citoyens.

L’aspect humain de la justice ne doit jamais être négligé. Les décisions judiciaires reposent sur des principes tels que l’équité, la proportionnalité et l’individualisation des peines, des notions difficiles à coder dans un algorithme. L’IA doit être un outil complémentaire et non une solution autonome.

Les défis juridiques posés par l’IA

L’intégration de l’IA dans le domaine judiciaire pose également des défis législatifs. Il est indispensable de mettre en place un cadre juridique clair pour encadrer son utilisation et prévenir les dérives. Une collaboration étroite entre professionnels du droit et développeurs de ces technologies est essentielle pour garantir que l’IA simplifie les tâches répétitives sans remplacer le jugement humain.

En résumé

L’arrivée de l’Intelligence Artificielle dans la justice offre une opportunité d’amélioration, mais elle doit être abordée avec prudence. Si elle promet d’accélérer les procédures, elle présente également des risques de biais et de déshumanisation. L’équilibre entre les avancées technologiques et les valeurs humaines fondamentales est crucial pour préserver la confiance dans le système judiciaire.