Frostpunk : vive le vent d’hiver

Frostpunk est un jeu de gestion original, créé par les Polonais de 11 bit studios, déjà heureux géniteurs de This War Of Mine ; un jeu merveilleux et original qui plaçait le joueur dans le rôle de civils démunis durant une guerre civile destructrice. Ce nouveau jeu partage d’ailleurs avec son grand frère de nombreux éléments, de la température hivernale en chute régulière jusqu’aux dilemmes moraux ayant un impact sur le moral. Mais dans Frostpunk, fini les petites balades en t-shirt de nuit, car ici, l’hiver est mortel et les engelures légions. Si vous ne pouvez plus dormir quand il fait plus de 15° dans la pièce, ce jeu est fait pour vous.

La glaAaace, ton univers impitoyaaaaAAaable !

L’histoire de Frostpunk brille par son originalité comme par sa simplicité : dans un 19e siècle alternatif, ce qui reste d’une Angleterre exsangue se voit contraint de s’exiler dans le nord pour survivre à une nouvelle ère glaciaire. Regroupés autour d’immense centrale à charbon au fond de cratères naturels, les quelques survivants se préparent comme ils le peuvent à survivre à des températures pouvant tomber bas… très bas !

Le jeu commence ainsi : une centrale à charbon géante au milieu de votre cratère, quelques survivants (ouvriers, ingénieurs et enfants) et des ressources éparses à ramasser à la main. Dès le départ, le jeu donne le ton et les objectifs sont clairs : survivre. Et pour survivre aux premiers instants, il faut déjà démarrer le générateur principal afin que vos ouailles puissent s’y réchauffer. Rapidement, vous aurez également besoin d’envoyer des survivants chasser pour la nourriture, créer une infirmerie pour soigner les maux du froid et les engelures de vos ouvriers, créer des habitations toujours mieux isolées pour que les gens ne meurent pas de froid dans leur sommeil, forer toujours plus profond pour trouver le charbon qui alimentera votre générateur et effectuer des recherches technologiques pour améliorer tout ça. Recette classique, exécution parfaite. Avec tout ce que vous avez à faire, la main-d’œuvre viendra bientôt à manquer et votre premier dilemme apparaitra : faire travailler les enfants ou non. Cette décision aura un impact réel sur le moral de toute votre petite troupe, mais pourrait vous permettre de survivre plus facilement… ce genre de décision est l’élément central du jeu, notamment via le livre des lois : ne servir que de la soupe au lieu de repas normaux pour nourrir plus de monde, faire travailler ou non les enfants, s’autoriser le travail 24h durant quitte à fâcher ceux qui auraient à le faire, permettre les combats d’arènes, mais être obligé d’en construire… ? La plupart du temps, ces décisions sont d’autant plus importantes qu’elles impactent l’ensemble de la partie. Cela dit, vous ne pourrez pas passer des lois comme bon vous semble et un chrono de 18h entre chaque promulgation vous oblige à un maximum de mesure et d’organisation.

Dans Frostpunk, deux barres se courent après, l’une de mécontentement, l’autre d’espoir : si la première se remplie, game-over, on ne vous fait plus confiance et vous êtes destitués, si la seconde tombe à 0, idem. Or, chacune de vos décisions a un impact direct sur ces deux jauges : promulguez une loi sur le travail des enfants fera baisser l’espoir et augmenter le mécontentement, donnez plus de soupe aux malades pour qu’ils se rétablissent plus vite et vous verrez l’espoir revenir. Mais attention, vous devez tenir vos promesses. Frostpunk est un hymne aux promesses tenues auquel chaque homme politique devrait jouer avant de commencer son mandat ; en effet, si vous vous engagez à la construction de maison pour tous et qu’à la fin du chrono vous n’avez pas pu respecter vos engagements, gare à vous, la sanction populaire sera sévère et vous apprendrez vite à ne pas survendre ce que vous ne pouvez réaliser.

Vos premiers pas se font dans un froid glacial et vous devrez donc construire tous les bâtiments dont vous avez besoin rapidement. Dans Frostpunk, le générateur central émet de la chaleur dans toutes les directions et les bâtiments se retrouvent, ou non, dans son rayon de chaleur. La construction s’effectue donc en cercles concentriques autour du générateur. En plus de faire preuve d’originalité, cette approche apporte aussi un côté intéressant, car il va falloir placer vos bâtiments de la manière la plus optimisée possible afin qu’un maximum d’entre eux profite de la chaleur du générateur. Avec le temps, celui-ci pourra être amélioré pour rayonner plus loin et plus fort, mais dans un premier temps, le placement est primordial.

Un petit air de Hot, sans l’empire

Bientôt, après une recherche cruciale, vous aurez la possibilité, en parallèle de la gestion de votre ville, d’envoyer des groupes d’éclaireurs sur la carte. Ces petits groupes vous aideront à looter des ressources additionnelles et des noyaux à vapeur, ressource rare qui vous permettra la construction des bâtiments les plus essentiels, trouver d’autres groupes de survivants que vous pourrez ou non aider ou incorporer à vos effectifs avec ce que cela pose de problème de logement et de nourriture ou à faire avancer l’histoire des 3 scénarios intégrés pour le moment.

Mais, heureusement pour Frostpunk, son intelligence se dévoile tout de suite et vous n’aurez pas besoin de bien longtemps pour comprendre tout ce qui fait la superbe de ce petit flocon de plaisir. Le jeu des Polonais est un bijou de construction. En installant le froid comme ressort dramatique, il vous force à choisir et vous confronte à chaque instant à vos propres lignes rouges. L’urgence des baisses de température régulière vous oblige à une marche forcée vers l’amélioration de vos technologies et à la prise de risque dans vos explorations, mais tout peu mal tourné : soyez trop généreux en accueillant tout le monde et vous vous retrouverez à court de nourriture rapidement par exemple. L’un des scénarios, le dernier, est d’ailleurs organisé pour exploiter ce ressort précis et est, à mon sens, le plus réussi dans son aspect moral.

Chaque scénario est intéressant et différent de son voisin et ils se jouent avec plaisir, mais comme l’option sandbox n’est pas intégrée et que vous ne pourrez pas générer de partie aléatoire, vous aurez rapidement fait le tour de la question. Votre serviteur a terminé le jeu en 13h. Bien que vous puissiez tenter d’autres approches, la rejouabilité n’excédera pas la vingtaine d’heures de jeu. C’est assez peu pour le genre et c’est d’ailleurs le principal regret que l’on nourrit à l’endroit de ce jeu.

Si la difficulté de Frostpunk ne crève pas le plafond malgré ce qui a été dit sur le sujet, une fois que l’on a compris les mécanismes essentiels et/ou si l’on est un habitué du genre, il n’en reste pas moins exigeant et nécessitera de la réflexion plus que du réflexe. Sa difficulté augmente de manière progressive et vous passerez souvent tout prêt de la catastrophe sans pour autant mourir complètement. Ces moments de tension font le sel des parties de Frostpunk vous mettrons les nerfs à rude épreuve pour votre plus grand bonheur (si vous êtes aussi maso que nous). Ce petit jeu réussi également de par son esthétisme et sa sublime bande-son (un grand pouce en l’air pour l’équipe du sound design qui mérite un gros bisou) à nous plonger complètement dans ce monde. Dommage que l’on ne puisse pas zoomer plus avant dans notre petite ville, d’ailleurs !

Conclusion

Frostpunk est un petit bijou que chacun peut apprécier : techniquement irréprochable, très beau, jamais injuste, faisant preuve de mécaniques bien huilées, plongeant le joueur au cœur de dilemmes moraux parfois difficiles et de situations de tensions hyper gratifiantes ; il mériterait amplement d’être considéré comme un modèle du genre. Mais si Frostpunk est exceptionnel par bien des aspects, il n’en reste pas moins que, pour le moment son contenu est limité. Il lui manque clairement un générateur de carte aléatoire ou un système de création de scénarios perso. Du reste, on se surprend rapidement à comprendre quels genres de lois doivent ou ne doivent pas être passées et vous ferez bien souvent les mêmes choix dans l’arbre des technologies, car ce sont les plus efficaces et que certaines décisions ont un impact moral trop fort pour qu’ils permettent une partie équilibrée.