Assassin’s Creed Origins : Kill like an Egyptian

Pourquoi un test d’Assassin’s Creed Origins si longtemps après sa sortie ? C’est une excellente question qui me permet de vous dire ce que je fais ce que je veux, déjà. Accessoirement, on ne teste pas un jeu que l’on a pas parcouru un minimum de temps. Or, ACO (pour plus de commodité) est de ces jeux qui offrent un contenu gargantuesque ; pas toujours d’un intérêt débordant, mais énorme. De fait, il a fallu aller au bout de cette histoire pour pouvoir vous en proposer un avis. Et cette histoire, parlons-en ! ACO propose une fresque d’Égypte antique dans lequel vous suivrez Bayek de Siva, Medjay (une sorte de chérif, mais nous y reviendrons) de son état, sous le règne de Ptolémée, période troublée de l’Égypte qui se trouve à la limite de la guerre civile. De son histoire et celle d’Aya, sa femme, descend toute l’histoire de la confrérie que beaucoup d’entre vous connaissent par les épisodes précédents. Le pari d’Ubisoft ici, s’inspirer de ce qu’il se fait de mieux dans le genre (bonjour CD Projekt) pour réinventer le modèle de sa franchise et s’assurer de remettre le couvert pour une palanquée de nouveaux épisodes tous beaux. Alors, stop ou encore ?

Assassin’s Creed Origins

Nil et une histoire

Comme toujours avec AC, la grande et la petite histoire se confondent. Dans Assassin’s Creed Origins, la grande histoire est relativement simple. 48 petites années avant la naissance de notre petit Jesus, à la fin de l’Égypte des pharaons, Ptolémée XIII règne sur l’Égypte. Mais c’est un pantin au service des méchants, une confrérie noire plus adepte des dieux maléfiques et des tombeaux que des promenades romantiques à bord des felouk touristiques. Qu’à cela ne tienne, Bayek de Siva, protagoniste de notre histoire avec sa femme, Aya, se dresseront contre nos sinistres et masqués personnages. La raison, nous vous laissons la découvrir. Sans faire preuve d’une originalité déconcertante, elle a le mérite d’être crédible et bien écrite. D’ailleurs, dans l’ensemble, l’écriture des personnages est tout à fait correcte ; contrairement à d’autres épisodes, les personnages ont même des motivations crédibles et sont, globalement attachants. Sans en arriver à l’excellence de l’écriture d’un The Witcher (prouvez-moi que j’ai tort, hm ?), les équipes du jeu ont fait le job. Et, point notable, la version française est correcte ; pour ceux d’entre vous que la langue de Shakespeare rebute.

Si la « grande histoire » est plutôt intéressante (bien que les parties dans le présent soient tout à fait anecdotiques) la petite histoire, elle, vie quotidienne des Égyptiens et Grecs/Romains de l’époque l’est tout autant. C’est d’ailleurs avec un sentiment assez admiratif que l’on explore les villes et villages, d’une Alexandrie grouillante aux villages des déserts reculés, la vie fourmille partout. On chipotera sur l’absence de diversité dans les discussions et lignes de dialogues de PNJ des marchés, répétant les même quelques mots durant des dizaines d’heure de jeu avec un petit côté comique de répétition façon « Deux minutes du peuple ».

Le monde que l’on visite est toujours vivant et, fait notable, quasiment toujours crédible. Bien que les habitants de ce gigantesque open world prouvent à chaque instant à quel point Darwin avait tord en ne s’habituant jamais vraiment aux crocodiles et autres hippopotames, vous forçant par bonté d’âme à sauver à tout bout de champ ces malheureux qui ne font décidément pas très attention aux animaux sauvages. La variété des paysages n’étant pas un sujet (des pierres et du sable ou des marécages et le Nil), on remarque, en revanche, à quel point le monde est énorme. Plusieurs dizaines de kilomètres carrés et il vous faudra de très nombreuses heures pour venir à bout de la découverte de la foultitude de points d’intérêt de la carte du jeu.

Petit point graphisme ; le jeu est beau. Il ne vous arrachera peut-être pas la mâchoire si vous êtes un aficionado des mods graphiques sur AAA PC, mais il est au niveau des plus beaux jeux du moment et vous fera assez régulièrement ralentir pour contempler, pour le plaisir, ci le plateau de Gizeh, ci la ville de Memphis depuis les hauts plateaux… une réussite complète de ce côté-là !

Quelque chose d’Alexandrie

Accompagné de votre fidèle aigle, Senu, vous parcourez donc l’Égypte pour retrouver et assassiner froidement ceux qui vous ont fait du tords. Celui-ci, d’ailleurs, sera votre atout de reconnaissance puisque c’est lui qui découvre la carte depuis les hauteurs, spotant les ennemis et vous apportant des informations précises sur la localisation des trésors et des animaux à chasser. D’ailleurs, il a noté qu’à notre goût, Senu est beaucoup trop efficace. Un spot, d’accord, mais autant que l’on veut, sur une zone si étendue, à travers les murs et pendant si longtemps…

Pour ceux d’entre vous qui voudraient vous passer de l’aide de votre aigle, il n’appartient qu’à vous, lorsque c’est possible, de ne pas l’utiliser. Mais la mécanique est bien intégrée et Senu vous sera nécessaire dans de très nombreuses quêtes.

Tandis que les anciens AC étaient plus portés sur l’assassinat et l’infiltration, ACO, lui reprend une recette plus bourrine et vous autorisera une approche beaucoup plus directe. Notre Bayek, renommé parfois baboulinet pour l’occasion, porte sans trop de difficulté deux armes, deux arcs et 200 flèches en toute décontraction. Recordman du monde assumé d’homme grimpeur le plus fort du monde, il troque souvent son habit d’assassin pour celui de soldat. C’est un parti-pris qui se respecte, mais qui a un impact direct sur les habitudes qu’avaient prises les joueurs d’AC jusque-là. L’action est payante et il est assez aisé, à coup de bullet-time, d’arc sniper (dit de prédateur) de venir à bout d’une garnison entière en trois flèches et quelques coups bien sentis. Mais l’approche qui consistait à bien préparer ses embuscades sous peine d’une mort assez rapide cède la place à des combats plus intenses et plus intéressants aussi (car remaniés). Cette fois aussi, le système s’inspire clairement du best-seller de CD Projekt. En revanche, cet épisode d’AC est une réelle fraicheur de ce côté-là et les combats s’enchainent assez clairement, offrant de nombreuses possibilités tactiques et, bien que faciles en mode normal (notamment à cause de l’arc), deviennent parfois un peu tendus quand de trop nombreux ennemis vous assaillent en même temps.

L’arc, à longue distance, est un peu trop dévastateur : un headshot étant très souvent synonyme de mort immédiate pour l’intéressé (qui n’en demandait pas tant, croyez le bien). Ce constat brutal, car oui, les flèches en pleine tronche sont des constats brutaux, aurait pu être partiellement atténué par l’effet de respiration, par exemple, qui aurait rendu plus ardue la visée. Mais dans ACO, il n’existe pas. Le combo clavier/souris devient alors d’une efficacité aussi redoutable que la recette de munster au vin blanc de votre mamie alsacienne pour coucher les plus vaillants.

Parole et parole et paroleeee…

Faire vivre un titre aussi ambitieux au-delà d’une quête principale généralement plutôt soignée est une gageure. Il s’avère, cependant, que le travail des quêtes secondaires, présentes partout sur la carte, ait été fait assez honorablement. Sans être à tomber par terre, l’immense majorité des histoires du monde s’inscrit facilement dans sa géographie, son histoire ou les habitudes de l’époque. On découvrir par leur entremise l’embaumement, le quotidien des paysans ou les chasseurs de trésors. Parfois drôles, parfois pas, elles apportent quelque chose au titre en permettant au joueur de progresser de manière assez linéaire dans ses niveaux, lui autorisant de mettre le pied dans de nouvelles zones.

On sent que les développeurs ont fait un effort réel pour ne pas augmenter la durée de vie de leur titre de manière trop artificiel : ici, pas d’objet à collectionner, exit la synchronisation obligatoire pour débloquer la carte. Point que l’on mentionnait au départ, il est en revanche satisfaisant de constater qu’Ubisoft justifie le fait que le héros mette son nez partout, car il appartient aux anciens « Medjay », sorte de gendarmerie de l’époque. Malgré ça, il apparait rapidement que de très nombreux points d’intérêt se résument à massacrer les [ennemis aléatoires : soldats/animaux] pour looter leur cadavre et les trésors qu’ils gardent. Ce manque de diversité est un peu dommageable, notamment parce qu’aucun ne posera de réel problème, ni en termes de plateforme ou de survie. En général, foncer dans le tas et massacrer les occupants suffira.

Tout cela vous obligera à passer le niveau de difficulté supérieur pour que le challenge soit réellement au rendez-vous. C’est d’ailleurs un point qui, même s’il est justifié par l’envergure grand public du titre, laisse toujours un petit goût de facilité. Si vous souhaitez un challenge immersif, il vous sera obligatoire d’augmenter le curseur de la difficulté, surtout pour les habitués.

Entre histoire et fan service

Bien que la communication du jeu ait grandement tourné autour de l’aspect reconstitution historique et des merveilles enfin visibles de l’ancienne Égypte, il semble tout de même qu’Ubisoft ai hésité : jeu contemporain avec des références directes à d’autres productions ? Jeu plus strict ?

Il semble qu’à la fin, la partie fan service ai quand même gagnée : présence de licorne, chameau-licorne, coton-tige, arc de cupidon…
Une quête autour de Final Fantasy est même présente directement à l’intérieur du jeu. Même si elle sort de l’univers, elle est de meilleur goût. Mais, c’est une déception pour la rédaction qui s’attendait à trouver ici un défi et un univers plus sérieux.

Conclusion

Assassin’s Creed Origin est une sérieuse dose de coke dans une licence qui avait eu tendance à abuser de la tisane ces dernières années ; en s’inspirant clairement des meilleurs, Ubisoft signe un jeu agréable ou l’équilibre se fait bien entre l’exploration et les combats. L’ensemble est soutenu par une histoire crédible à défaut d’être exceptionnelle, notamment en raison de la meta-histoire inutile et par des personnages attachants, mais qui ne deviendront pas des références absolues du monde vidéo-ludique non plus. L’univers, lui, a fait l’objet d’un travail de tous les instants qu’il me semble nécessaire de souligner en remerciant les développeurs pour ces longues minutes de contemplation d’une Égypte que le joueur en moi a fantasmé longtemps.
Assassin’s Creed Origin ouvre la voie pour d’autres opus qui devraient, en toute logique, constituer eux aussi, des titres de très bonne facture.