Post Scriptum – Fallait lire les petites lettres

Hollande. 1944. Il fait nuit. La pluie tombe fort sur notre petite troupe. À la tête de mon escouade blindée, je mobilise mes 3 membres d’équipage. Notre blindé du jour, un Tigre, la fierté de l’Allemagne. Nous démarrons le moteur et nous mettons en route vers le point que nous devons défendre. Le commandant donne ses premiers ordres. Les différentes sections d’infanterie, qui défendent le premier point, se positionnent. Sorti de l’habitacle, j’entends le bruit de la pluie sur le métal froid de mon char et les blagues potaches de mon équipage.  À la radio, les chefs d’escouade se coordonnent. Déjà, les premiers échanges de tirs dans le lointain. Les Américains progressent vers le château que nous devons défendre. Notre char arrive bien après que les premiers rapports faisant état d’un char ennemi dans le secteur soit parvenu. Non loin du château, j’ordonne au mastodonte de s’arrêter. Un avion allié vient de passer, faisant trembler le char et les quelques désormais cadavres ennemis postés sur le bord de la route à 300m devant nous. Avec nous, plusieurs camarades partent en courant dans les buissons pour rejoindre leurs camarades assaillis. Le commandement a été très clair. Nous devons débusquer le char et lui faire sa fête. Buste dehors, jumelles au poing, j’ordonne à la tourelle de pivoter à 2h et de se tenir prêt à faire feu. Un sergent d’une escouade d’infanterie se met à hurler à la radio sous le feu des tirs nourris de son escouade : « Firefly reporté au sud des remparts ! Firefly au sud. Position exacte sur carte ». Aussitôt, je referme l’écoutille supérieure, allume la radio de la fréquence commandement et indique que nous nous y dirigeons. Nous progressons dans le noir, d’arbre en arbre. La chasse rend paranoïaque. Chacun croit distinguer l’ennemie dans la forme d’un buisson. Et tout à coup, je le vois. Je fais passer pour mes hommes. « En avant 100m, tourelle à 11h, caisse plein nord ». Le char pivote. Le tireur indique avoir repéré le char ennemi. Je lui dis « fume-le ! ».
Le 88 gémit. Un énorme obus traverse le champ de bataille et heurte le monstre de flanc. Le leader de l’escouade alliée, pris sous le feu dans le château exulte : « Pour Tigre. Hit ! Continuez ». Le commandant adverse ne nous a pas vus. Alors que la tourelle ennemie tourne vers nous, en cherchant sa cible, un second obus fait exploser la bête sous les remparts du château assaillis. Nous nous rapprochons. Dernière nous, dans la boue, des hommes remontant au front s’abritent derrière notre ombre géante. À mi-parcours, les salves hurlantes d’une mitrailleuse ennemie retentissent sur notre flanc et fauchent quelques malheureux. Alors que les hommes de la section d’infanterie s’abritent, notre lourde tourelle pivote lentement et réduit le nid de mitrailleuses au silence. Les médecins prennent en charge les blessés et laissent les morts. Et puis, en quelque seconde, ce n’est plus la pluie qui s’abat, mais un déluge d’obus. Heureusement mal calculée, elle ne servira qu’à ajouter de la terre à notre camouflage. Au-dessus de nous, un bombardier pique fatalement sur un camion ennemi laissé en vue d’un de nos éclaireurs. Il explose bruyamment à quelques pas. Alors que les hommes que nous avons escortés nous remercient et disparaissent entre les vieilles pierres pour continuer la boucherie, le commandement donne de nouveaux ordres à la radio : « De commandement pour escouade blindée. Présomption de blindé léger au nord du point. Il est à vous ». Nous repartons en chasse.

Squad rature du cercle

La bataille que vous venez de vivre est un extrait fidèle d’une partie réalisée par votre serviteur sur Post Scriptum. Mais avant de détailler un peu plus cette affaire, que sait-on de ce jeu ?

Fils de « Squad » (dont il est un mod qui a mal tourné), Post Scriptum se veut être un « WW2 simulation game, focusing on historical accuracy, large scale battles, a difficult learning curve and an intense need for cohesion, communication and teamwork. ». Pour ceux d’entre vous que la langue de Shakespeare rebute (même s’il m’est permis de douter qu’une communauté ayant pour point commun une passion immodérée pour le NAS soit rebutée par l’anglais…) il s’agit d’un simulateur de seconde guerre mondiale. Ce dernier se veut réaliste, à grande échelle et très axé sur la communication. Comprenez « l’anti-Call of Duty ». Volontairement difficile à appréhender, Post Scriptum se positionne à mi-chemin entre Battlefront, Arma et Squad.

Révèle le masochiste en toi

Post Scriptum est un jeu qui ne plaira pas à tout le monde. Massivement multijoueur (jusqu’à 40vs40), il se veut entièrement « réaliste ». Pour faire court, une balle est synonyme de blessure (ou de mort dans la tête), deux balles correspondent souvent à la « mort » (un médecin peut venir vous requinquer). Si après ça vous repartez au sol, ce sera pour la dernière fois. La plupart du temps, vous mourrez donc sans savoir ni comment ni par qui. Pour certains, c’est un prérequis à une expérience exigeante (ce que le jeu représente sans aucun doute), pour d’autres, ce n’est plus un jeu. Ceux d’entre vous qui peuvent jouer à Arma durant des heures, marchant 30 minutes pour vous prendre la première balle de la mission et mourir ne seront pas dépaysés. Pour les autres, le fun risque de faire défaut.

Vous y incarnez au choix un membre d’une section d’infanterie, de logistique ou d’escouade blindée. Chaque escouade a un sergent. Ces sergents sont les seuls à pouvoir parler au seul commandant, qui organise toute la bataille depuis l’arrière et peut déclencher des frappes aériennes ou d’artillerie si nécessaire. Les escouades d’infanterie, en plus grand nombre, ont un rôle prédominant dans la partie. L’escouade logistique a, pour sa part, le difficile rôle de créer des points de défense (sac de sable, bunker…) ou des points de réapparition. Ils sont la cible privilégiée des rares escouades blindées (souvent 2 maximum), composés de 4 hommes. Ils prennent possession des rares véhicules blindés de la partie : ils peuvent être un formidable atout pour l’équipe en appuyant de loin l’infanterie et en détruisant les moyens lourds adverses, mais peuvent s’avérer effroyablement inutiles s’ils sont mal utilisés.

Tout ce beau monde s’affronte sur des cartes relativement peu variées (moins de 10), mais suffisamment grandes et détaillées pour que la rejouabilité soit au rendez-vous.

Adouci par rapport à Squad dans certaines de ses mécaniques, le jeu est néanmoins suffisamment nerveux pour ne pas tomber dans le « détaillisme » des vrais simulateurs de guerre. Les gestes médicaux sont limités, la balistique est plutôt propre, mais manque de profondeur, les dégâts sont peu localisés, les décors ne sont pas destructibles… non ce qui donne à Post Scriptum toute sa saveur, malgré quelques détails techniques frustrants… c’est son ambiance.

Il faut sauver le soldat [LOL] Bidule Machin du 66

Développé précisément dans cette optique par les rennais de Periscope Games, le jeu se veut être très orienté role play. La structure du jeu invite à la coordination. Ne serait-ce que dans les communications. Ici, chacun est dépendant du voisin pour pouvoir jouer dans de bonnes conditions. Le jeu en est rendu particulièrement immersif et parfois complètement épique. Vous passerez votre temps à alterner entre la vue normale et la carte pour voir les points d’intérêts que le sergent de l’escouade de manquera pas d’indiquer. Dans vos oreilles, les ordres du sergent dispatachant ses hommes, leur remontant le moral ou les rappelant à l’ordre. En tant que sergent, l’expérience est encore plus intense parce qu’en plus de devoir suivre vos hommes sur le terrain et la réalité tactique immédiate, vous entendrez en plus des rapports nombreux de vos hommes (indiquant les ennemis repérés, etc.), les échanges entre les sergents et les ordres du commandant. Il faut être concentré ! Mais quand tout fonctionne, c’est un plaisir jouissif qu’il est rare d’égaler.

Cette immersion, on la retrouve également très bien dans le gameplay blindé. Dans un char, il y a principalement 3 postes et la coordination prend ici un sens nouveau : l’un conduit, l’autre vise (et tire), l’autre cherche les adversaires et donne les ordres. Si dernier il y a, il est souvent dans la caisse avec une mitrailleuse. Dans un blindé, vous êtes, comme l’étaient les tankistes de l’époque, enfermés dans une boîte de métal avec de rares écoutilles ou périscopes pour regarder à l’extérieur. Attention aux claustrophobes ! L’ensemble est difficile à manier, mais une fois un équipage bien entraîné, les sensations de manœuvrer une bête lourde et puissante viennent naturellement. À condition de bien communiquer, c’est un bonheur.

Cette principale force du jeu est aussi son pire défaut. Si vous ne trouvez pas pour jouer un serveur de gens suivant les règles et souhaitant jouer le jeu (littéralement), votre partie peut vite devenir un enfer. Personnes jouant sans micros (indispensable pour une expérience complète), n’écoutant pas les règles, faisant n’importe quoi… toutes ces attitudes individuelles peuvent faire basculer des parties entières. C’est d’autant plus dommageable lorsque vous vous trouvez en poste de commandant et que vous ne participez littéralement pas aux combats (certains commandants s’y essayent, souvent sans grand succès). Donner des ordres à des sections qui ne les suivent pas à quelque chose d’effroyablement… désagréable !

Mais si vous avez la chance de trouver un bon serveur (il y en a dans toutes les langues),  vous oublierez absolument tout autour de vous. Soudain, il ne reste plus que les ordres et la froide réalité des balles. Vous mourrez beaucoup dans ce jeu. Et d’une certaine manière, c’est salvateur. Pas de héros dans Post Scriptum. Vous entendez une balle claquer et vous vous surprenez à vous jeter à terre, par réflexe. Servi par un sound design absolument exemplaire, vous vous mettez soudainement à reconnaître au bruit une rafale de MG42 tel un véritable vétéran.

Conclusion

Si vous aimez en chier, ce jeu est fait pour vous. On meurt souvent, dans Post Scriptum. Mais si vous aimez la Seconde Guerre mondiale et les expériences un peu plus poussées que Call of Duty, vous êtes au bon endroit. Pour seulement une trentaine d’euros et à condition d’avoir trouvé un serveur sérieux, vous vivrez probablement des moments très forts sur Post Scriptum… à condition d’avoir bien lu les petites lettres en bas de page*.

*on parle bien de toutes les réserves émises à l’occasion de ce test, oui.